MAROC : Marrakech N °4 - Palais El Badi - Place Djemaa-el-Fna (suite ...)
Le lendemain, taraudée par le désir de revoir cette scène à ciel ouvert qu’est la place Djemaa el-Fna, j’ai négocié auprès de mon guide avec lequel je venais de terminer la visite du Palais El-Badi, la possibilité de regagner l’hôtel par mes propres moyens.
La visite des ruines du Palais El-Badi, m’avait, il faut bien l’avouer, quelque peu déçue. Ce palais situé près du quartier du Mellah (quartier juif), n’a plus que ses pierres aussi ocre que les remparts de la ville à proposer aux touristes.
Le guide qui nous a promenés sur les toits de ce qu’il restait du palais, a plus attiré notre attention sur la vue que l’on pouvait avoir sur les terrasses environnantes que sur l’histoire de ce dernier.
Le sultan Ahmed el-Mansour, appelé « le Doré », qui l’a fait construire, s’étonnerait peut-être de voir, aujourd’hui, les cigognes nicher sur les murailles, les chats s’étirer au soleil et les touristes chercher vainement les 360 chambres, mentionnées sur les ouvrages de tourisme, vestiges d’une magnificence passée.
En effet, il avait fait élever ce palais à proximité de ses appartements privés. Sa construction a été financée par les Portugais vaincus à l’issue d’une bataille. Les travaux se sont prolongés jusqu’à la mort du sultan en 1603. Ce palais fut longtemps considéré comme la merveille du monde musulman. Les marbres d’Italie, granit d’Irlande, onyx d’Inde, revêtements de feuilles d’or ornaient les murs et les plafonds des 360 pièces.
En 1683, Moulay Ismaïl démolit El Badi et récupéra les matériaux pour l’édification de sa propre ville impériale à Meknès.
Aujourd’hui seules subsistent les structures du palais à l’intérieur desquelles en mai-juin de chaque année, se déroule le Festival national du folklore marocain. Cette manifestation de grande qualité permet d’apprécier notamment la musique des Gnaouas ainsi que les danses du Haut Atlas et du Sahara marocain.
Face au quartier du Mellah (quartier juif), j’ai regretté que la restauration du Palais de la Bahia, surnommé « l’Alhambra du Maroc » ne soit pas terminée.
Notre guide, interrogé, n’a pas su nous préciser la date d’achèvement des travaux.
Il nous indiqua cependant que c’était l’un des mieux conservés de Marrakech.
Ce palais fut agrandi au fil des acquisitions successives des terrains alentour. Sa surface serait de 8 hectares comprenant tant des dédales de couloirs, d’appartements luxueux que des jardins et des patios plantés de cyprès, d’orangers et de jasmins.
Pour restaurer ce palais les meilleurs artisans du royaume auraient été convoqués et les matériaux les plus précieux achetés. Je pus le vérifier lors de ma visite en 2005.
Du temps de sa splendeur, pendant le protectorat, le général Lyautey y avait élu domicile.
Ravie de pouvoir me promener enfin seule et à ma guise sur la place Djemaa-el-Fna, j’abandonnai mon groupe puis je gravis en hâte les marches du Café de France dont le nom figure sur tous les guides touristiques pour l’emplacement stratégique qu’il y occupe.
Je pris mon tour dans la file d’attente entre touristes et Marocains et commandai à la caisse une boisson qui me donnait le droit d’accéder à la terrasse.
J’eus la chance qu’une table se libère face à la place. Je me souviens avoir passé plus de temps à regarder s’installer les vendeurs, les baraques, qu’à déguster le thé à la menthe posé sur ma table.
Place Djemaa-el-Fna
Fébrile, je mitraillai les différents aspects de cette fresque vivante en oubliant les bases élémentaires de la photographie. Je devais d’ailleurs le constater en quittant mon lieu d’observation. En effet, dans ma hâte de saisir l’essentiel de ce que je voyais, j’avais omis de cadrer correctement chaque scène. Il faut dire qu’à cette époque, je débutais en photographie numérique. Mais comme toujours, j’avais agi, avant de savoir maîtriser correctement l’appareil que j’avais entre les mains.
Je fais partie de ceux qui montent sur un vélo sans savoir pédaler. Dans ce cas-là, évidemment, on passe plus de temps à mouliner qu’à avancer !
La foule qui affluait sur la terrasse m’empêcha de regagner mon dernier emplacement afin d’y réparer cette grossière erreur. Furieuse de ma maladresse, je descendis les marches du Café et gagnai la rue où la lumière particulière qui régnait en cette fin de soirée offrit une seconde chance à mon appareil photographique. Mais rapidement, j’interrompis mes prises, gênée par l’arrivée constante de nouveaux arrivants.
Place Djemaa-el-Fna
Résignée, je décidai de déambuler sur la place. J’y croisai de jeunes touristes occidentaux offrant leur peau au soleil déclinant, des femmes âgées couvertes de longs et sombres habits, des hommes qui portaient des tenues qui n’avaient plus d’époques à force d’avoir été lavées, de jeunes garçons et filles arborant les derniers vêtements à la mode, des enfants turbulents qui se faufilaient entre les adultes n’écoutant pas les appels énervés de leurs familles, des couples revêtus de leurs plus beaux atours.
En passant près des baraquements, je humai les aliments qui cuisaient, admirant la dextérité avec laquelle les cuisiniers drapés de blanc agitaient casseroles, grils, plats, assiettes, la face éclairée par le feu et sublimée par les ampoules suspendues en guirlandes au-dessus de chaque stand.
Les sons discordants d’une musique détournèrent mon attention. J’identifiai un groupe de musiciens gnaouas dont les longues djellabas blanches se détachaient dans l’obscurité et se soulevaient au rythme des instruments agités par leurs mains aussi mates que le sol.
J’avais entendu parler de ces musiciens gnaouas et de leur musique qui, mélangée avec celles venant d’autres cultures, apportaient des ingrédients aussi indispensables que les épices incorporées aux plats marocains.
Déroutée par la nouveauté de ces sons, je préférai me rapprocher des minces et agiles danseurs, qui, dans leurs habits chamarrés, exécutaient des acrobaties compliquées devant les badauds médusés.
Mais c’est un groupe d’individus silencieux, immobiles qui me détourna de ces princes de la voltige.
Un homme aussi sombre que la nuit racontait en arabe, comme chaque soir, des histoires d’un temps où l’écrit n’existait pas, devant un public attentif. Ce n’est pas pour rien que la place de Marrakech a été reconnue par l’UNESCO comme un patrimoine oral.
Ne comprenant pas l’arabe, je m’écartai de cet attroupement, mais je dus rapidement employer mon énergie pour repousser les avances des diseuses de bonne aventure, des femmes qui voulaient s’emparer de ma main et y dessiner des motifs au henné et encore des gamins qui me demandaient de l’argent ou des bonbons.
Le moment était venu pour moi de rentrer à l’hôtel !
Au fur et à mesure que je m’éloignais, j’entendais les cris, les rires, les klaxons, les musiques que déversaient les souks en même temps que les passants curieux et amusés qui jouaient à éviter les vendeurs entreprenants signalés par des éclairages agressifs.
J’aurais bien dirigé mes pas vers l’intérieur des souks, mais une petite voix qui oscillait entre deux options : partir ou rester, entravait ma décision.
L’arrivée d’un taxi jaune qui se garait dans une rue, à quelques mètres des charrettes chargées d’oranges, trancha pour moi.
Je le hélai et quand il fut à ma hauteur, je négociai le prix de la course avant de me précipiter à l’intérieur du véhicule où encore, grisée par l’ambiance de cette place, je renonçai à partager le bavardage du chauffeur.
Derrière la vitre de ce petit taxi dont la couleur jaune disparaissait sous la poussière, je regardai les silhouettes se découper et se mouvoir dans les phares des voitures ainsi que l’incessant ballet des véhicules.
À l’entrée de la Palmeraie, je notai que le vacarme avait diminué d’intensité pour se fondre dans une quasi-normalité.
Avant que le taxi ne s’arrête devant mon hôtel, rapidement, je vérifiai le montant de la course sur le compteur. Le prix demandé par mon chauffeur correspondait au montant affiché. Rassurée sur la probité de cet honnête travailleur, je le remerciai. Ravi, il me tendit sa carte pour que je le recontacte si d’aventure, je songeais à revenir sur la place.
Pendant le trajet, ce projet s’était invité dans ma tête, mais aucune date n’avait été retenue. C’est ce que j’expliquai en guise de conclusion, à mon chauffeur désappointé.
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